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En bombardant l'Iran, les USA ruinent les efforts diplomatiques de sortie de crise
information fournie par Reuters 23/06/2025 à 15:05

par John Irish et Parisa Hafezi

Dans l'espoir de désamorcer le conflit sur le programme nucléaire iranien et de relancer un processus diplomatique, les ministres français, allemand et britannique des Affaires étrangères ont rencontré leur homologue iranien vendredi à Genève.

Peine perdue. Quelques heures plus tard, ces efforts ont été anéantis par les frappes américaines décidées par Donald Trump contre les trois principaux sites nucléaires de l'Iran, en appui de la campagne militaire lancée par Israël.

"Il est hors de propos de demander à l'Iran de revenir à la diplomatie", a dit aux journalistes dimanche à Istanbul le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araqchi, visiblement en colère et promettant une "riposte" aux frappes américaines. "Ce n'est pas le moment de faire de la diplomatie."

Le président américain Donald Trump, qui s'est félicité d'avoir infligé des "dégâts monumentaux" aux principaux sites nucléaires de l'Iran, a menacé dans une allocution télévisée samedi soir de frappes encore plus dévastatrices si la République islamique ne s'engageait pas sur la voie de la paix.

Sept diplomates et analystes occidentaux interrogés par Reuters soulignent que les perspectives de reprise des négociations sont infimes à ce stade en raison du fossé insurmontable entre l'exigence américaine d'arrêt des activités d'enrichissement d'uranium par l'Iran et le refus de Téhéran d'abandonner son programme nucléaire.

"Je pense que les perspectives d'une diplomatie efficace à ce stade sont minces, voire nulles", dit James Acton, codirecteur du programme de politique nucléaire à la Fondation Carnegie pour la paix internationale, un groupe de réflexion basé à Washington.

Selon des diplomates européens, les trois pays du "groupe E3" - la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne -, signataires de l'accord nucléaire de 2015 dont Washington s'est retiré trois ans plus tard, n'ont pas été informés à l'avance de la décision de Donald Trump d'attaquer l'Iran.

Le président français Emmanuel Macron avait même dit samedi, à l'issue d'un échange téléphonique avec son homologue iranien Massoud Pezeshkian avant les frappes américaines, vouloir "accélérer les négociations engagées par la France et ses partenaires européens avec l'Iran".

L'EUROPE RELÉGUÉE À UN RANG SECONDAIRE

Un diplomate européen, qui a demandé à ne pas être identifié, a dit qu'il était désormais impossible d'organiser une deuxième réunion avec l'Iran la semaine prochaine.

Les chancelleries européennes semble en outre reléguées à un rang secondaire et Donald Trump a minimisé vendredi les efforts de l'E3 pour résoudre la crise, affirmant que l'Iran ne voulait parler qu'aux Etats-Unis.

Trois diplomates et analystes signalent que toute discussion future entre l'Iran et Washington se déroulera probablement par l'intermédiaire d'Oman et du Qatar.

Avant même les frappes américaines, les pourparlers de vendredi à Genève n'ont débouché sur aucune avancée apparente et aucune proposition détaillée n'a finalement été présentée, selon trois diplomates.

Les positions européennes sur des questions essentielles telles que le programme d'enrichissement de l'Iran se sont en outre durcies au cours des dix derniers jours et Paris, Londres, Berlin mettent désormais aussi l'accent sur le programme de missiles balistiques de l'Iran, son soutien à la Russie et la détention de citoyens européens, dont les Français Cécile Kohler et Jacques Paris.

La France a même récemment suggéré que l'Iran s'oriente vers l'enrichissement zéro, ce qui, jusqu'à présent, n'était pas une demande du groupe E3 compte tenu de la ligne rouge de l'Iran sur la question, ont déclaré deux diplomates européens.

La Grande-Bretagne a exprimé à Genève une position plus dure, plus en phase avec Washington, selon les diplomates, et le nouveau gouvernement allemand semble aller dans le même sens.

Samedi, un responsable iranien de haut rang a déclaré que les exigences européennes étaient "irréalistes".

Dans une brève déclaration commune publiée dimanche, l'E3 a toutefois déclaré vouloir poursuivre ses efforts diplomatiques: "Nous appelons l'Iran à s'engager dans des négociations conduisant à un accord qui réponde à toutes les préoccupations liées à son programme nucléaire. Nous sommes prêts à contribuer à cet objectif en coordination avec toutes les parties."

"La tentative européenne s'est soldée par un échec", juge David Khalfa, cofondateur du groupe de réflexion Atlantic Middle East Forum, qui estime que le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, s'est servi des Européens pendant des années pour gagner du temps tout en développant son programme nucléaire et ses capacités en matière de missiles balistiques.

INCERTITUDES SUR L'ÉTAT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES EN IRAN

L'E3 a cependant encore une carte importante à jouer puisqu'il est le seul à pouvoir réimposer toutes les sanctions précédentes des Nations unies contre l'Iran s'il s'avérait qu'il ne respecte pas l'accord nucléaire de 2015.

Des diplomates ont déclaré qu'avant les frappes américaines, les trois pays avaient discuté d'une date butoir à fin août pour l'activation de ce mécanisme dans le cadre d'une campagne de "pression maximale" sur Téhéran.

Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a déclaré dimanche que des messages publics et privés avaient été transmis à l'Iran "par de multiples canaux, lui donnant toutes les chances de venir à la table des négociations" après cinq séances de pourparlers indirects infructueux ces derniers mois.

La donne a commencé à changer lorsque l'armée israélienne a lancé le 13 juin une vaste offensive contre l'Iran et son programme nucléaire.

Téhéran ne cesse depuis de répéter qu'il ne négociera pas en temps de guerre.

Selon deux diplomates européens et un responsable iranien, Washington a tendu la main à l'Iran après les attaques israéliennes pour reprendre les négociations, notamment en proposant une rencontre entre le président américain et son homologue iranien à Istanbul, une proposition rejetée par Téhéran.

Le ministre iranien des Affaires étrangères a toutefois poursuivi ses contacts directs avec l'envoyé spécial américain Steve Witkoff, ont déclaré trois diplomates à Reuters.

Selon les experts, l'un des défis du dialogue avec l'Iran porte sur l'incertitude quant aux dégâts infligés par les frappes américaines du week-end à son programme nucléaire.

Rafael Grossi, directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a jugé lundi que des dégâts très importants avaient probablement été subis par l'usine d'enrichissement de Fordo mais une source iranienne de haut rang a déclaré dimanche à Reuters que la majeure partie de l'uranium enrichi sur ce site avait été déplacée vers un lieu non divulgué avant l'attaque.

James Acton souligne également que l'Iran compte des milliers de scientifiques et de techniciens impliqués dans le programme d'enrichissement, dont la plupart ont survécu aux attaques américaines et israéliennes.

"On ne peut pas bombarder le savoir", dit-il.

(Avec la contribution de Lili Bayer et Andrew Gray à Bruxelles et Tom Perry à Beyrouth ; version française Diana Mandia)

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